Troisième au concours de la plaidoirie !

Les années lycée sont déterminantes pour notre avenir. Oui, c’est à cette période que des choix importants concernant un avenir professionnel nous étant propre doivent être faits ; nous pouvons également constater une certaine découverte de soi en rapport avec diverses activités scolaires.
Par exemple, certains concours proposés à différents lycées du territoire français peuvent ouvrir certaines portes via des opportunités non négligeables en lien avec les projets professionnels de certains élèves, nous le verrons avec le cas de Caroline Laï-Kane-Chéong en 1ère.
La jeune fille s’est prêtée au jeu en y accordant un réel investissement personnel concernant la rédaction d’une plaidoirie parlant de la femme noire au sein de la société actuelle.
Nous avons pu lui poser quelques questions à propos de sa plaidoirie afin de comprendre le choix du sujet, ainsi que sa réaction lors des résultats.
Pourquoi as-tu participé à ce concours ?
J’y ai participé parce que mon objectif c’est de devenir avocate alors l’art de l’éloquence et de la réthorique, je trouve cela important, c’était une grosse opportunité.
Est-ce que c’était un choix personnel ?
C’était un choix personnel mais j’ai été également conseillée par Mme SOUPAYA
Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
Je l’ai choisi pour des raisons strictement personnelles. Ma mère est noire et a été sans cesse victime de racisme, d’insultes simplement parce qu’elle est noire. Moi aussi j’ai été victime de ce racisme. Je trouve que c’est un sujet qu’on pense avoir oublié, un problème qu’on pensait avoir réglé mais c’est faux et je voulais le montrer.
Combien de temps as-tu pris pour écrire ?
J’ai pris deux semaines environ pour aboutir au sujet final.
Qu’est ce qui te manquait pour être 1ère ?
Je pense que ce qui me manquait c’était de l’expérience et quelques exemples de plus. Après,à c’était un sujet beaucoup trop personnel et délicat, nous ne sommes pas encore prêts à en parler sans tabous.
Quelle a été ta réaction lors des résultats ?
Quand j’ai vu les résultats, j’étais surprise. Mais j’avoue avoir été déçue, j’ambitionne toujours à atteindre un maximum et à repousser mes limites et c’est pour cela que j’étais légèrement déconcertée.
Quel sujet aurais-tu choisi si tu étais arrivée à arriver en finale ?
Si j’étais arrivée en finale, je ne sais pas véritablement ce que j’aurais pris comme sujet mais je ne serais certainement pas restée sur un sujet banal, commun au contraire, j’aurais aimé me démarquer en ne craignant pas les tabous, les complexités.
J’aurais aussi voulu garder ce côté personnel, cet aspect intime : la Réunion, mes racines, mes origines, mais aussi l’exploitation des indiens, des chinois etc…
Plaidoirie contre la violation des droits de l’Homme
Mesdames, Messieurs, pardonnez la dureté de mes phrases et entendez les douleurs qu’elles renferment.
Connaissez-vous Isabelle Boni Claverie ? Ses amis l’appellent Isa mais pour beaucoup d’autres c’est une « sale nègre ». Isabelle est réalisatrice, scénariste, écrivaine mais surtout noire, et cela devient un critère de sélection. Issue de la petite bourgeoisie, Isabelle, petite fille de 6 ans souhaite jouer le rôle de Marie dans la pièce de son école mais elle n’obtient que celui de Balthazar car s maîtresse ne voyait en elle que la couleur qui prônait sur le sexe même. A 16 ans, Isabelle revient à Paris après un long déménagement et, voyant placardée au mur des affiches du FN, elle est encore « une nègre » que la France rebute. A l’âge adulte, Isabelle est au chômage, ne pouvant trouver d’emploi ou de logement pour seules raisons qu’Isabelle est femme et qu’Isabelle est noire. Partout où elle se rend, les entretiens s’annulent subitement et se défont car une fois de plus Isabelle est une « sale nègre ».
Mesdames, Messieurs, connaissez-vous Claudine Laï-Kane-Chéong ? Contrairement à Isa, Claudine est une femme ordinaire que peu de monde rencontre, comme vous et moi mais Claudine est différente aux yeux externes car Claudine est une femme noire, femme que la société a dénigré et méprisé. C’est dans son adolescence que Claudine prend conscience de sa noirceur de peau. Etude, emploi, mariage, tout est inéluctable échec où la seule réponse de la société est encore : « c’est une sale nègre ». Claudine est constamment mise à l’écart et exclue des groupes et d’une famille car elle est une « erreur de nègre ». Mais sa souffrance est pourtant silencieuse parce que faute de moyens et faute de juridiction, elle ne pourra se défendre.
Alors me connaissez-vous, Caroline Laï-Kane-Chéong ? Lycéenne de 16 ans, noire de naissance et « impure » par déduction, huer par mes camarades et désignée de « nègre » et de « sale », je n’intègre pas toujours les groupes ou instances que j’ambitionne. Mais je ne suis pas la seule, Claudine et Isabelle non plus, des milliers voire des millions d’autres femmes en souffrent chaque jour.
Alors comment sommes-nous défendues dans cette injustice ? La réponse est aussi simple d’autant que les politiques à proprement dites anti-discrimination raciales n’existent pas en France, notre chère République.
Et c’est pourquoi dans ces heures graves et inquiétantes, je ne peux que donner de mes mots. Sans doute jugés de futiles palabres, en moi, nouvelle femme d’un monde dévoré par l’exaltation de dominateurs insouciants, a résonné une cacophonie faite de complaintes de mes ascendantes. Ainsi je lutte, d’une volonté opiniâtre, pour la libération véritable des femmes Noires dans une société immolée par l’injustice et le dégoût réciproque des Hommes.
Ces mêmes Hommes, que l’on nomme en un sens global avec un grand H, semblables et pourtant si fluctuants.
Lorsque la science fera de luileprimate caractérisé par la station verticale, par le langage articulé, et un cerveau volumineux, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, à cette dite question se propose de le définir en France, par un ensemble d’êtres, représentants du peuple Français, et, selon l’article premier,naissant et demeurant libres et égaux en droits, sans distinctions sociales, politiques ou professionnelles.
Mais la femme contraste pourtant réellement cette parfaite utopie, qui, en sa vérité l’humilie et la déshonore. Blâmée par ses semblables, elle née dans l’inégalité des terres, réprimée par les lois et les hommes. Ne bénéficiant du droit d’éducation qu’à partir seulement de 1850, elles s’apprivoisaient le savoir il y a seulement deux siècles de cela, où les hommes, eux, côtoyaient la recherche et l’exploration. La société leur a dès lors attribuées le statut d’accessoire de mode, vogue du XXe siècle, dépendantes de l’époux et du père. Et même au lendemain de leur indépendance maritale et économique, avec les lois de 1915 et de 1970, les femmes restent objets d’abus et de désirs perfides. Ce n’est qu’en 1944 qu’elles deviennent des êtres juridiquement autonomes.
Demeurent alors Claudine, Isabelle, la femme Noire, éternelle opprimée de ses droits et de sa liberté. Lorsque le monde s’ouvrait et se déployait à la Justice, elles furent condamnées au gouffre dont la vacuité est infinie. Damnées d’une nation dite et clamée « indivisible », elles sont exclues et oubliées.
Aujourd’hui alors encore est prônée une parfaite égalité des êtres et sans frontières, mais au travail tout comme dans la rue, les femmes Noires se font insultées, discriminées, violentées, violées… Comment peut-on donc subsister dans cette totale inégalité en perdurant les traditions passées, inébranlables ? La Justice n’est parfois qu’une borgne qui se voue à une absolue volonté de s’aveugler dans son humanité, trop fictive.
D’esclaves à domestiques, elles ont cru et espéré en un avenir moins sanglant, doté de droits d’estime pour tous. Et notre société les a entendues, mais croulant de faiblesse face à l’indignation injustifiée des autres, tandis que s’installaient l’espoir et le devoir de paix, le lien, dans l’injure et la détestation du Blanc et du Noir, s’est ainsi brisé. Femme et Noire ne sont devenues que les horribles synonymes « d’erreurs et de maudites ». Elles se turent dans la calomnieuse réalité.
Mais étrange et plaisante imperfection qu’est l’Homme, dans sa totale diversité, il prend plaisir à dominer et détruire pour conquérir. Nietzsche a ainsi dit« Partout où j’ai trouvé du vivant, j’ai trouvé de la volonté de puissance ; et même dans la volonté de celui qui obéit, j’ai trouvé la volonté d’être maître. Et la vie elle-même m’a confié ce secret : « Vois, m’a-t-elle dit, je suis ce qui doit toujours se surmonter soi-même. » » et partout où la différence ethnique a existé, les femmes noires ont souffert, trouvant la sécurité et la tranquillité dans l’ultime mort. Nos jours modernes sont une preuve de plus de la vision humaine si manichéenne, et de la réflexibilité limitée de Nations. La méchanceté du monde est transcrite dans les comportements éternellement conflictuels et litigieux, où encore aucune haine ne s’est arrogée.
Que le président Donald Trump inflige aux mexicain l’expulsion et le rejet, ou encore que la France, grande démocratie n’ait jamais connu de dirigeant noir est significatif de mœurs obstinés à louer la ségrégation.
Serait-il donc juste d’avancer que la vie est meilleure au XXIesiècle lorsque 882 actes racistes ont été ouvertement manifestés en France en 2016 et 10 000 plateformes racistes et sexistes ont été recensées actuellement sur le web ?
L’ineffable souffrance des femmes Noires n’est pas que passé ni virtuelle, mais aussi une affreuse réalité chiffrée et exhibée. La volonté d’oublier et de pardonner ne peut s’effectuer là où les mauvaises habitudes perdurent.
Comment une femme Noire peut-elle s’élever dans ce monde lorsque son ascension même est freinée par le regard extérieur, bien souvent négligeant de son comportement, comme si ses actions relevaient de l’approbation tacite de l’individu à lui seul ?
Une femme ne peut déjà pas espérer atteindre une carrière digne car 41% d’entre elles sont victimes de sexisme et de discrimination dès l’entretien même d’embauche, contre seulement 28% des individus masculins. Mais une femme, lorsqu’elle est Noire doit être chanceuse pour obtenir un quelconque emploi, car alors 60% d’entre elles subissent les inégalités de l’emploi.
Devraient-elles donc oublier leur couleur pour vivre, démocratiquement en tant qu’humain français ?
« Libres et Egaux en droits », dit la Constitution française de 1958, alors que les femmes dont la couleur a été jugée de faute subissent la prison morale et sociale. Et selon l’article 2, 2eamendement de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 énonce : « Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur un motif mentionné à l’article 1er est interdite en matière d’affiliation et d’engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d’avantages procurés par elle, d’accès à l’emploi, d’emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle. » Cependant, seule sanction des discriminations, la loi agit dans le domaine professionnel mais guère au quotidien. D’autant plus que l’auteur de discrimination, encourant 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende ou une sanction disciplinaire, ne les subit que lorsqu’elles sont ouvertement déclarées. Mais seuls 114 cas de discrimination ont été recensées et reconnus en tant que tels. Par ailleurs, une fois reconnus et admis, la sanction n’est que limitée.
Mais faudrait-il réellement en placer alors que la transgression est celle opposant les dires de la Constitution même ? Isabelle et Claudine n’ont pas connu d’uniques insultes au travail, alors se sentiront-elles protégées et prêtes à recommencer leur vie sans craindre à nouveau la discrimination ?
Me mêlant fièrement de mon sexe et de ma couleur, je refuserai de grandir femme noire, au son de ces mots qui résonnent, aux oreilles de la société, comme une sévère injure et réprimande, mais fière, forte et brave, ambitieuse et amoureuse d’une nation digne et négligée : je souhaite m’élever Noire. Et ensembles, Femmes, dont la noirceur sonne comme une maladie grave et dont la divine puissance est implorée par la Grande Blancheur pour exorciser du terrible péché, conflit d’un pérenne passé, nous devons lutter. Les idoles qui firent de nous des femmes Noires nous transmettent le fardeau d’une chute longuement imaginée d’inévitable. Mais au sein de sociétés à l’esprit malade et dérouté, sommes-nous réellement souffrantes ?
Le Code Noir n’a-t-il pas été un ouvrage assez dévastateur des libertés et égalités humaines pour que nous tendions à les imiter et les reproduire à nouveau ? L’Homme a été capable, à plusieurs reprises d’arroger à l’entente conventionnelle et le respect mutuel pour dominer assujettir l’autre, annihilant jusqu’à son prochain, rejoignant la vision de Nietzsche.
A présent, ne subissons plus le damnatio memoriae (condamnée à l’oubli) des âmes colonnes, soyons à notre tour les colonisatrices de changements et d’évolution. L’humanité ne peut continuer d’être dans la destruction perpétuelle de l’autre par son apparence. Il ne peut y avoir de fin à la vileté et aux infamies que par le soulèvement collectif, rompant la lourdeur du silence assassin.
La Justice et l’Etat doivent étendre leur juridiction et imposer une nouvelle politique anti-discrimination car c’est encore un problème trop présent. La protection des êtres doit s’élargir à la vie quotidienne en société et les entreprises doivent développer des programmes favorisant la collaboration mixte entre employés. Le pardon, par l’acceptation et la dissimulation de soi, destine les sociétés à venir à enfanter abondamment et insouciamment des êtres au dharma macabre.
Longtemps traitées de malheurs, les femmes Noires, sont défendue par ma voix, qui parle en leur nom.
Discriminations raciales et sexisme ne doivent plus être des sujets tabous, que les individus partagent en douloureuses anecdotes ou en complaintes amicales. La loi doit imposer de nouvelles normes auxquelles le contrôle social formel doit s’alourdir pour imposer un respect plus grand de l’autre. La Justice française d’une République démocratique, face au problème récurrent de la couleur dans une nation diversifiée, doit s’adapter et être omniprésente au sein de nos populations pour rompre l’éternelle oppression.
Car le Peuple Noir réprimé n’a jamais oublié le sang versé et les larmes coulées pour les coups qui lui ont été donnés.
Caroline (1ère ES)